En 1968, l’architecte André Bruyère (1912-1998) acquiert un terrain de garrigue et de champs d’oliviers,
au pied des Alpilles et du canal des Baux à proximité de Maussane les Alpilles. Il y construit sa maison,
Les Eyrascles, en 1970.
Trois bâtiments, une maison principale, une maison d’amis dans laquelle il installe son atelier,
et un garage sont disposés de sorte à ménager une place centrale comme un petit hameau
. Installés
tout en haut d’un chemin de terre sinueux, à quelques centaines de mètres seulement du canal des Baux,
ils épousent la pente douce du pied des Alpilles.
Des toits voutés d’un blanc étincelant flottent au-dessus des maisons, presque détachés du sol par l’intermédiaire des façades aux enduits bruts, couleur de sable. Outre le garage, de plan rectangulaire, les deux bâtiments sont faits de nombreux redents, permettant de se protéger du soleil éblouissant d’été et dégageant des terrasses protégées. Les maisons sont construites sans étage, les niveaux du sol suivent la pente du terrain. La maison principale dispose d’une cave partielle et se déploie tout en longueur du côté Sud. La longueur de la maison est perceptible depuis la cuisine à l’Ouest avec l’enchainement des voutes jusqu’au fond de la chambre à l’Est. Les cloisons ne touchent pas le plafond, laissant la toiture libre et visible de tous points.
Bruyère a détourné un système de construction simple de plancher fait de poutrelles et hourdis, portés sur les
deux façades Sud et Nord courbées, afin de former ces voutes sans coffrage couteux. La beauté de ce
plancher révélée par la courbe nous a si vivement touchés qu’elle ne fut pas plâtrée, et dessine le jeu des joints
comme n’importe quelle voute romane
(2)
L’enduit final des façades en parpaings n’a jamais été réalisé, les marques de truelles rayonnantes sur l’enduit
ayant séduit l’architecte en cours de chantier.
A l’intérieur, les matériaux sont bruts : banquettes en béton, placards en contreplaqué, quelques-uns plus sophistiqués :
carreaux de marbre de carrare au sol, éviers formés d’une plaque de marbre évidée, table en bois debout et surtout,
fenêtres en verre trempé.
Les ouvertures ne montrent le paysage que partiellement et ne se font jamais face. Pour garder au paysage sa
ressource, éviter la saturation, il faudra souvent l’avoir partiellement refusé, sinon en totalité
. (1)
Autour de la maison, deux bassins au plan courbe sont alimentés par le canal des Baux.
Bruyère revend sa maison en 1997, un an avant sa mort.
Après l’incendie de 1999, puis les épisodes de sécheresse, les fissures des façades déjà existantes s’accentuent jusqu’à y voir au travers.
La cave est régulièrement inondée. Un drain est installé le long de la façade Nord de la maison principale en 2014,
asséchant la cave mais sans conséquence sur les fissures. Le sol intérieur s’affaisse par endroits.
La restauration 2016-2018
En 2014, la maison est inscrite à l’inventaire des Monuments Historiques. Une restauration complète démarre dont je suis en charge.
Une étude de projet est menée avec le bureau d’étude géotechnique Soléa BTP. On constate que les fondations de la maison sont réalisées
par semelles filantes et que les planchers intérieurs ne sont pas solidaires des façades. La partie de plancher intérieur affaissée
est en limite de cave et posée sur des remblais non compactés. Les sols présentent des écarts de planéité allant jusqu’à 6cm.
Les désordres sont causés par des fondations hétérogènes sur des sols argileux, très sensibles aux variations hydriques, par des
tassements différentiels liés à la cave partielle, et par la modification de la nature du sol asséché après la mise en place du drain.
Afin d’asseoir la maison sur le bon sol, il est décidé de couler des voiles béton enterrés non armés sous les semelles existantes,
jusqu’à la profondeur variable des marnes. Cette solution permet de stabiliser les fondations, mais aussi d’empêcher les infiltrations d’eau
sous la maison et donc le gonflement et retrait des argiles sous les sols intérieurs.
A la fin des travaux de fondations, en février 2017, il nous faut attendre un an pour que la maison se stabilise.
Les sols intérieurs, indépendants des façades peuvent ensuite être restaurés sans risque d’être affectés par le mouvement
d’assise des façades. Ces travaux ont lieu d’avril à juin 2017. Nous décidons de travailler sur la zone la plus affectée pour ne
pas déposer l’ensemble des planchers. Les carreaux de marbre, le lit de sable et la chape sont déposés puis la dalle percée à
intervalles réguliers pour y injecter un coulis de ciment liquide remplissant les vides des remblais non compactés. Des carreaux
de marbre de carrare neufs sont ensuite collés sur une chape neuve.
Ce même procédé est réalisé dans l’atelier de la maison des amis.
Les travaux de restauration des façades débutent en septembre 2018. Nous conservons les façades en bon état du garage et une
façade sur la terrasse Ouest.
Les enduits existants sont décroutés et les fissures réparées. Notre présence lors de la réalisation des enduits est indispensable,
les traces de truelles demandées semblent toujours trop décoratives. Après des jours d’essais, une technique est retenue.
La deuxième couche d’enduit tirée à la règle est lissée à la taloche plastique. Des traces de truelles sont réalisées dans
l’enduit le plus frais possible puis l’entreprise procède à un lissage en surface à la taloche bois.
La restauration des toitures a lieu en parallèle à partir d’octobre 2018. L’étanchéité existante est grattée jusqu’au béton et le complexe Sikaroof MTC mis en œuvre. En 2019, les derniers travaux de restauration des volets, de peinture et de menuiserie mettent un terme à la restauration des Eyrascles.
Nous pouvons enfin citer Bruyère : Ma maison est suffisamment bâtie de désir pour n’avoir aucun défaut.
Je veux exprimer qu’ayant été au bout de son propos, elle est heureuse. Qui l’habite le sent. Elle a été imaginée sur
le versant de la tendresse et continue sur sa lancée.
(2)
La maison Bruyère à Maussane, L’architecture d’aujourd’hui n°163, 1972
